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Afrique : « La vraie indépendance, elle est économique », Dr Hassan Mahamat Idriss

Economiste, enseignant-chercheur et par ailleurs procureur général de la Cour des Comptes de la CEMAC, Dr Hassan Mahamat Idriss remet en cause la souveraineté de l’Union Africaine(UA) et exhorte les dirigeants africains à plus d’engagement  afin de rendre celle-ci  indépendante.   

L’Info : 60 ans d’existence de l’UA, que peut-on retenir de cette organisation panafricaine ?

Dr Hassan Mahamat Idriss : 60 ans de larmes, de pleurs, de réactions et d’actions aussi. Chaque deux décennie, il y a des dirigeants qui arrivent avec des idées différentes. Les pères fondateurs  tels que Kwamé NKrumah, Modibo Keïta et autres sont déjà  partis. Même si aujourd’hui, il y a des conflits en Afrique, ce ne sont plus les mêmes méthodes. Il y a un tout petit peu une prise de conscience par les jeunes africains qui, avec les technologies sont sur le  même pied d’égalité que ceux d’Europe et d’Amérique.

Est-ce que l’UA n’a pas échoué ?

Pas totalement. L’UA fait quand même des efforts. Lorsqu’il y a un problème en Afrique, elle essaie tant bien que mal de trouver une solution en multipliant des médiations. Par exemple, les changements anticonstitutionnels survenus au Mali, au Burkina-Faso, au Soudan, en Guinée et au Tchad, on n’a pas vu l’UA en œuvre. Ce qu’il faut déplorer, c’est que ces Etats défient l’UA. L’Afrique pourra mieux faire si ses dirigeants marquent leur volonté avec plus d’engagement. L’Union Africaine fait de son mieux. Ce qu’il faut savoir, c’est que l’UA n’est pas une armée pour intervenir dans des conflits. Quand bien même que l’UA veut intervenir, elle est sous la coupe de l’ONU. Si l’ONU accepte, elle peut intervenir avec les contingents des Etats membres.

Quel est le rôle du Conseil paix et sécurité  et n’est-ce pas le moment indiqué pour l’UA d’avoir  sa propre force ?

Le conseil paix et sécurité s’investit dans la prévention des conflits et joue un rôle de médiation pour ramener ou restaurer la paix dans les pays africains. Le conseil assure des stratégies de développement du continent. Il n’est pas  une va-t-en-guerre contre les rebellions ou les terroristes. Ce conseil  joue aussi un rôle important dans le social. Par rapport à la création d’une force, c’est une bonne idée mais déjà que l’UA n’est pas autonome financièrement, qui  prendra en charge cette armée ?

L’UA  est-elle souveraine dans ses  prises de décisions ?            

Certainement non !  L’Union africaine est financée en grande partie par l’Union européenne  qui  la rend dépendante  vis-à-vis de celle-ci,  cela  est  un fait. Le fait que l’Union africaine ne soit pas capable de résoudre ses propres problèmes et qu’elle s’appuie sur l’aide extérieure,  c’est  quelque chose qu’on peut déplorer et qu’on peut sans cesse continuer à dénoncer pour que les Africains puissent prendre conscience. L’indépendance, c’est lorsqu’on est capable de décider par soi-même et d’initier des projets. Dès lors que vous acceptez l’aide de quelqu’un, une aide n’est  jamais neutre. L’aide vous asservit, elle vous met en position de faiblesse.  Dans cette optique, vous êtes dans les relations dominant-dominé. Donc, il  n’y a pas d’égalité. Ce type de partenariat n’est pas gagnant-gagnant mais  il est gagnant-perdant. La vraie indépendance, elle est économique, pas politique.  La matière première de la politique, c’est  l’économie. L’Union  africaine  doit revoir ses relations avec ses partenaires et il doit y avoir des réformes structurelles.

De  quelles réformes parlez-vous ?                                                          

Il  faut que les Etats africains revoient leurs budgets et qu’ils cotisent pour rendre l’UA indépendante des autres continents. Parce que le nerf de la guerre, c’est  l’argent. Les chefs d’Etat africains se consacrent beaucoup à leurs pays respectifs. Ils voient l’UA comme quelque chose de très éloigné. J’encourage les dirigeants d’Afrique à donner leurs quotes-parts pour que l’Afrique soit véritablement indépendante.

Quelles pistes de solutions l’UA doit envisager pour sortir l’Afrique de son sous-développement ?

Il faut que tous les pays africains aient leurs propres monnaies. Les indépendances africaines dont on parle sont discutables. L’indépendance, c’est le pouvoir de décider librement, de faire quelque chose dans son pays alors que ce n’est pas le cas. Le premier symbole d’une indépendance, c’est la monnaie. Lors que votre monnaie est créée par un autre Etat et que sa garantie est assurée par cet Etat, cette forme d’indépendance doit être prise avec beaucoup de pincettes. Le panafricanisme n’est pas  la rupture avec les autres continents comme plusieurs jeunes le font aujourd’hui sur les réseaux sociaux en voulant découdre avec l’Occident, particulièrement la France. L’Afrique doit plutôt changer de paradigmes pour trouver des solutions durables à ses problèmes et réfléchir pour redéfinir ses relations avec ses partenaires. De même, il faut l’inclusion. L’inclusion passe nécessairement par l’intégration africaine. Il faut que les Etats forts puissent supporter les Etats faibles. L’esprit de solidarité doit prévaloir entre les Africains.

Propos  recueillis  par  Kary  Amadou

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