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Grande interview :« Plus de 100 milliards de francs CFA de budget en 2022 », ministre de la Santé publique

Le Tchad à l’instar des autres pays de la sous-région est confronté à une situation caractérisée par une morbidité élevée dues aux épidémies (méningites, rougeole, choléra, etc.), aux maladies transmissibles et non transmissibles ainsi qu’aux infections maternelles. Ce lourd fardeau endeuille chaque année des familles tchadiennes et entraine de graves conséquences particulièrement sur la santé des populations vulnérables notamment, celle de la mère et de l’enfant. Faisant le bilan des activités sanitaires de l’année 2022, le ministre de la santé publique et de la prévention, Dr Abdoulmadjid Abdérahim n’a pas perdu de vue les stratégies à mettre en place pour sauver des vies humaines.

L’Info : Monsieur le ministre de la Santé publique et de la Prévention, quel bilan faites-vous de l’exercice de votre fonction dans la prise en charge des Tchadiens en matière de soins de santé de l’année 2022 ?

Dr Abdoulmadjid Abdérahim: Globalement, l’année qui s’écoule malgré les fortes pluviométries avec ses conséquences, l’on n’a pas enregistré des épidémies dévastatrices telles que le choléra et la fièvre jaune. C’est le lieu ici de remercier les autorités, en premier lieu le président de transition, chef de l’Etat, le Général Mahamat Idriss Déby Itno, les partenaires techniques et financiers, la société civile, l’esprit civique de la population sinistrée, le personnel médical qui n’ont ménagé aucun effort et ont agi chacun en ce qui le concerne pour circonscrire les conséquences de ce fléau. Aussi, ce temps dont nous avons eu l’occasion de passer ensemble avec nos différents collaborateurs nous a permis de faire une analyse et d’identifier les goulots qui entravent le bon fonctionnement et de surcroit empêche l’amélioration des indicateurs de santé. Malgré les difficultés, les hôpitaux ont fonctionné sans interruption. L’année s’achève sur une note d’espoir dans le domaine sanitaire avec le lancement de la couverture santé universelle (CSU).

Quel commentaire faites-vous de la gratuité des soins qui demeure toujours un problème crucial entre le personnel soignant et les patients ?

La gratuité des soins ne devrait pas constituer un problème entre la population et le personnel soignant. Les politiques de gratuité consistent à abolir les paiements formels directs payés par le patient aux prestataires de santé. Le champ d’application de cette gratuité varie sur deux axes : d’abord la population ciblée, qui va de certains groupes spécifiques plus ou moins importants à l’ensemble de la population présente sur un territoire. Ensuite, le panier des soins couverts par cette gratuité, qui peut se limiter à certains services spécifiques ou couvrir un panier de soins plus large, voire l’ensemble du panier de soins délivré au niveau des services de santé primaire. La population est sensibilisée en ce sens pour qu’elle comprenne le type de pathologies pris en charge gratuitement dans les structures de soins. C’est vrai qu’il existe des personnes véreuses qui essaient de torpiller les choses en créant des fois des ruptures dans la chaîne d’approvisionnement des intrants, mais le Gouvernement et ses partenaires mettent les bouchées double pour assurer la disponibilité des médicaments et des services fournis gratuitement à la population.

Comment cette politique de gratuité des soins est menée en faveur des couches vulnérables et des personnes âgées ?

Dans le cadre de la politique sociale du Gouvernement, il a été instauré en décembre 2007, la gratuité des soins d’urgences chirurgicales, gynéco-obstétricales et médicales dans tous les hôpitaux. Cette gratuité a été étendue en 2015 à tous les centres de santé publics et confessionnels pour offrir un paquet de soins gratuits à l’ensemble de la population. Les produits destinés à la prise en charge des cas sont livrés par kit. Il s’agit essentiellement des kits des césariennes, des kits pour la prise en charge du paludisme grave chez l’enfant, l’adulte et la femme enceinte, des sérums anti venimeux. En plus de cette gratuité ciblée, le Gouvernement assure à travers les programmes, la prise en charge de certaines pathologies telles que la prise en charge gratuite des PVV, de la tuberculose, paludisme, santé de la reproduction et surtout la protection des enfants contre les risques des maladies épidémiques à travers le programme élargi de la vaccination (PEV).

Par ailleurs, des mesures d’exemption directement attribuées par le personnel de santé ou par les autorités locales au point de service, le plus souvent pour les indigents. La différence essentielle réside dans le fait que ces mesures d’exemption ne sont pas systématiques et ne requièrent pas une évaluation des revenus ou des ressources des individus pour définir la population cible. L’avantage de ne pas avoir de mécanisme formel de ciblage pour ces politiques de gratuité, telles que définies ci-dessus réside dans le fait qu’elles sont plus simples à mettre en œuvre au niveau opérationnel. Par contre, le revers de la médaille de cette relative simplicité opérationnelle existe, notamment au niveau de l’impact en termes d’équité. En effet, puisque les services couverts le sont indépendamment du revenu des individus (à la différence des politiques d’exemptions de frais ciblées), les non-démunis y ont également accès, souvent de manière disproportionnée, du fait notamment de barrières géographiques plus prononcées pour les plus pauvres. Un ciblage géographique des prestataires plus utilisés par les populations pauvres, ou des provinces les plus pauvres est un moyen de réduire ce risque.

Les données disponibles sur l’effet des politiques de gratuité en termes de protection financière et d’utilisation des services de santé montrent une situation contrastée. Des lacunes dans la conception et dans l’implantation de ces politiques, particulièrement en termes de cohérence avec les autres réformes du financement du système de santé dans le pays, ont souvent limité leur contribution à l’ambition de CSU. Néanmoins, si elles sont bien conçues, mises en œuvre et s’inscrivent clairement dans une vision stratégique plus large définissant les étapes vers la CSU, les politiques de gratuité peuvent constituer un bon point de départ pour entamer des réformes plus systémiques. Par ailleurs la gratuité des soins est appelée à se dissoudre dans la CSU avec le temps.

Quel est l’impact de l’inondation sur la santé de la population et quelles sont les prévisions pour 2023 ?

L’inondation qu’a connue cette année notre pays est un phénomène naturel consécutif à des fortes pluviométries enregistrées ainsi que le débordement des eaux fluviales. Selon les données à notre possession, la province de N’Djaména à elle seule totalise 181 720 personnes sinistrées réparties dans 20 sites. Alors qu’il y’a 18 provinces sur les 23 du pays qui sont victimes de ce phénomène. S’agissant des impacts sur la population, ils sont de plusieurs ordres qui se manifestent par l’augmentation des cas de maladies diarrhéiques, des dermatoses mais aussi des cas des maladies à potentiel épidémique dont le plus courant est le choléra ainsi que des cas observés de malnutrition avec 4697 de malnutrition sévère dont 03 décès et 7615 cas de malnutrition modérée. Il faut noter également que ce phénomène a eu un impact considérable sur la continuité de l’offre de soins de santé dans les zones sinistrées. Toutefois, la surveillance épidémiologique présente un profil épidémique sans danger jusque-là. Néanmoins nous conseillons à nos compatriotes de continuer toujours à traiter les eaux de puits et/ou forages avant tout usage.

Les inondations font partie des catastrophes naturelles et doivent être gérées dans le cadre du Plan National de renforcement des capacités pour la réduction des risques liés aux catastrophes, la préparation et la réponse aux urgences. S’agissant de notre département, les dispositions sont envisagées pour l’acquisition et le pré positionnement à temps des intrants pour la prise en charge des éventuels cas. L’équipe de la surveillance à travers le Centre d’opération d’urgence en santé publique (COUSP) sera mobilisée pour des alertes précoces. Un plaidoyer accru se fera avec les autres départements connexes pour améliorer l’accessibilité des structures sanitaires. Par ailleurs la sensibilisation de la population des zones à risque sur la connaissance des conséquences des catastrophes afin de les aider à la prévention de ces risques et de renforcer leur résilience.

Que dites-vous par rapport aux centres de santé dont la construction ne respecte pas les normes?

Tous les centres de santé construits depuis 2008 (par l’Etat ou les PTF) suivants les plans de construction du paquet minimum d’activités (PMA) du MSPP, répondent aux normes. Toutefois, certains centres de santé qui sont construits par des tiers (les communautés et autres) sans requérir l’avis préalable du ministère en charge de la santé, peuvent avoir des manquements. C’est d’ailleurs l’une des raisons fondamentales de suspension temporaire des autorisations de création des centres de santé dits Communautaires par le MSPP. Cette suspension vise à corriger ces manquements constatés. Aussi, pour corriger ces manquements, nous sommes en train de travailler sans relâche pour que tous ces centres de santé y compris ceux construits par l’Etat avant 2008 ainsi que ceux construits en matériaux locaux par des Communautés, soient mis aux normes conformément au PMA en vigueur. Des efforts énormes sont consentis pour atteindre une couverture optimale de l’ensemble des centres de santé du pays. Toutefois, il faut reconnaitre qu’il y’a des centres de santé qui sont construites dans des sites non conformes.

Quel a été le budget mise en œuvre pour l’année 2022 et son effectivité ?

L’enveloppe budgétaire allouée en 2022 initialement au ministère de la Santé publique et de la Prévention est de 103, 033, puis revue à 100,138 milliards francs CFA dont 73,458 milliards sur les ressources propres de l’Etat et 26,680 milliards de francs CFA des financements extérieurs. Ce budget est dominé par les charges du personnel qui représentent 32,2% du budget total, soit 32, 235 milliards de francs CFA. Les biens et services, destinés au fonctionnement des directions du niveau central, des programmes nationaux de santé et des délégations sanitaires provinciales représentent 11, 5%, soit 11, 538 milliards de francs CFA ; les transferts pour les hôpitaux nationaux, les hôpitaux provinciaux, les écoles de santé, la caisse nationale d’assurance et la formation, représentent 14,4%, soit 14,455 milliards de francs CFA; les investissements internes, prévus pour le paiement des décomptes des travaux de construction en arrêt, les avances de démarrage de certains projets de construction et équipements, les contreparties de projet, représentent 15,2% , soit 15,229 milliards de francs CFA. Les financements extérieurs de 26,680 milliards de francs CFA, représentent 26,6 % sur le budget total de la santé. S’agissant de son effectivité, ce budget a été exécuté sur la base d’ordonnancement à hauteur de 84.25% dont : des dépenses du personnel, transferts/ subventions, dépenses en biens et services, dépenses d’investissement interne. Ce faible taux d’exécution des investissements internes est dû au retard dans l’approbation des contrats des marchés programmés.

Avez-vous un message particulier à l’endroit de la population ?                                                

L’année 2022 s’achève avec le lancement de la mise en œuvre de la CSU, ceci est une opportunité pour toute la population à saisir l’occasion pour profiter de cette stratégie, de fréquenter les structures de soins de santé. De faire confiance au Gouvernement et plus particulièrement au ministère de la santé publique et de la prévention et ses partenaires techniques et financiers qui agissent sans relâche pour l’amélioration de la qualité de service et soins de santé au bénéfice de toute la population. Nous allons faire le plaidoyer à qui de droit pour mobiliser davantage de ressources pour la mise en œuvre effective de la CSU afin de contribuer au développement socio-économique de notre pays comme le souligne la politique nationale de santé de notre pays. Je terminerais mes propos avec ce proverbe de George Sand qui dit “Sans la santé, pas de clairvoyance morale.”

Interview réalisée par, Banbé Mbayam Christian

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