Immense est le chantier qui attend le nouveau ministre de la Communication, porte-parole du Gouvernement. Gassim Mahamat Chérif en est bien conscient et plus que jamais engagé pour relever les défis. En exclusivité les grands axes de son plan d’action.
L’Info : Monsieur le ministre, vous héritez d’un département moins visible et mal loti. Quelle stratégie avez-vous pour relancer le ministère ?
Gassim Mahamat Chérif : Merci beaucoup, c’est d’abord la volonté des plus hautes autorités du pays de redynamiser ce secteur de la communication et lui donner une place centrale dans le cadre de la cinquième République et de la refondation de la République. D’abord, il faut exprimer cette volonté et la définir. Et il m’appartient de mettre en musique cette volonté du chef de l’Etat, du Premier Ministre, la communication a malheureusement fait les frais des fusions et d’un manque de cohérence de la parole gouvernementale. Donc mon rôle c’est d’abord d’apporter une cohérence d’ensemble dans la parole gouvernementale, à la parole officielle du chef de l’Etat et essayer de faire en sorte que cette parole soit structurée, cohérente et bien travaillée en amont avant qu’elle ne soit livrée au public. Et j’entends le faire avec le soutien des plus hautes autorités.
Les médias publics, censés accompagner et guider l’action gouvernementale, sont à la traine par rapport aux privés. Que comptez-vous faire pour changer la donne ?
La stratégie c’est d’abord l’autonomisation. Parmi les medias publics, nous avons l’ONAMA, l’organe des radios et télévisions publiques. L’Etat paie les salaires, et il y a un budget alloué, mais mon rôle c’est d’accompagner cette structure à ce qu’elle soit indépendante et pour qu’elle se pense et réfléchisse comme une entreprise, qu’elle génère elle-même des revenus, pour permettre un saut qualitatif et ne pas vivre au crochet de l’Etat. C’est une réflexion que nous avons entamée avec la Direction générale de l’ONAMA et ceux qui s’occupe de lui. Cette même opération doit se passer au sein de l’ATPE. L’ATPE doit se penser aussi comme une entreprise. Elle doit avoir une imprimerie. Nous avons réfléchi à quelques pistes de solutions parmi lesquelles, on va mettre en place une imprimerie de l’ATPE, qui doit servir à imprimer tout ce qui est support de l’Etat, qui va gagner des marchés et une entreprise paraétatique.
Il y a le volet de la rédaction, on va la redynamiser et la rendre autonome. Il se trouve que l’ATPE bénéficie de subventions et de la redevance sur les publicités municipales. Nous allons travailler là-dessus pour permettre à l’ATPE de se redynamiser et d’être autonome financièrement et financer ses propres projets etc..
Dans les médias publics, la parole ne semble pas être libérée avec pour conséquences un traitement superficiel de l’information avec les termes comme : « ça vient d’en haut ». Quelles conditions créées pour rassurer les journalistes afin de libérer leurs potentiels ?
C’est une question d’habitude, on se complaint dans certaines habitudes. Et on dit que les habitudes ont la peau dure. Il y a de cela des décennies que les journalistes se sont installés dans cette habitude. On observe des phénomènes d’autocensure, ce qui fait qu’on pense que l’Etat musèle la presse. Pour ma part, je n’ai jamais constaté de la part des autorités de ce pays une volonté de museler la presse, d’empêcher la presse de travailler convenablement. Il y a les phénomènes de clientélisme ; ce qu’on appelle poliment par euphémisme per-diem. C’est dû à la précarité des journalistes qui sont obligés d’accepter cet argent. D’autre part, un journaliste qui accepte n’est pas tout à fait indépendant. L’indépendance, c’est la chose la plus noble qui reste aux journalistes. Avoir une éthique, une déontologie dans la pratique du métier…j’étais aussi journaliste et je n’acceptais pas les per-diem.
Le mécanisme de l’autocensure est assez complexe et est parfois alimenté par le phénomène de clientélisme et parfois on se met en tête de dire de telle ou telle manière pour plaire aux autorités publiques. Alors que ce n’est pas les autorités qui orientent les journalistes à traiter les informations de telle ou telle manière. Il n’y a jamais eu de règle ni de consignes pour orienter les journalistes. Ce sont les journalistes eux-mêmes qui s’installent dans l’autocensure. C’est un travail de fond qu’il faut faire, de changement de mentalité qu’il faut faire.
La presse privée n’a pas les mêmes contraintes. Elle est perçue comme qualitativement plus importante que la presse publique. Mais je ne suis pas d’accord avec cette assertion parce que je suis des médias publics et pour moi au Tchad, que ce soit dans l’audio-visuel, ils sont à l’ONAMA ou dans la presse écrite, ils sont à l’ATPE. Ces plumes ne sont pas parfois bien utilisées, mieux utilisées ou utilisées à la hauteur de nos attentes et nos objectifs. Nous allons travailler pour que la motivation revienne, l’amour du métier revienne, pour que le métier soit pratiquer avec sacerdoce. En cela le ministère va les accompagner, moi au premier chef afin qu’ils pratiquent leur métier avec beaucoup de dévouement et passion.
Le cas de l’ATPE est écœurant. Une agence fournit des informations aux autres médias. Mais l’ATPE ne couvre même pas la ville de N’Djaména. Et pire encore, elle accède difficilement aux informations émanant des institutions étatiques. Votre réaction.
Comme vous l’avez dit l’ATPE est la première source d’informations. C’est une agence d’Etat comme l’AFP en France, et autres. J’entends d’abord sensibiliser les autorités afin qu’elles donnent la primauté de l’infirmation d’abord à l’ATPE, parceque c’est la source fiable, sécurisée de l’information officielle de l’Etat, c’est la première des choses. La deuxième des choses, nous allons très rapidement relancer le journal de l’ATPE, qui est resté en instance depuis quelques mois, dans un format qui va faire le bilan de la transition, peut revoir en termes de nombre de tirages pour atteindre plus de lecteurs que ce soit dans les provinces, mais aussi dans la foulée faire comprendre la nécessité, de travailler avec l’ATPE, je m’y attèlerai personnellement au niveau du gouvernement. Je sensibiliserai les autres collègues ministres afin qu’ils vous donnent toute la place que vous méritez et la primauté dans l’information. Les journalistes sont là, la qualité est là, les supports sont là, il n’y a pas de raison qu’on écarte l’ATPE.
Mais il y a un autre écueil ; on est dans un monde de l’instantanéité, de l’informatique, des réseaux sociaux, la presse écrite recule. Dans les pays développés, les Etats investissent beaucoup afin que la presse écrite se maintienne. Mais puisque j’ai un rapport presqu’intime avec le papier, j’adore lire et j’aime toucher le papier. Je trouve que le papier c’est quelque de chose de fiable. Puisque vous aurez pris le temps de recouper toutes vos sources, de travailler l’information avant qu’elle ne soit livrée au public. En cela, le papier est quelque chose de plus fiable que tout ce qui est numérique. Le numérique est certes pratique et le papier est l’information sûre et fiable. On va commencer étape par étape, nous allons d’abord relancer le journal puis l’imprimerie, et travailler pour votre autonomie, mais aussi que l’Etat redonne confiance à l’ATPE pour qu’elle redevienne la première source d’informations officielles pour l’Etat tchadien, pour les Tchadiens, pour la communauté internationale, les ambassades et les chancelleries internationales et les diasporas. Il faut que le journal de l’ATPE soit dans toutes les ambassades et en version numérique à travers nos attachés de presse et en version papier sur la table de nos ambassadeurs.
Votre mot de fin.
Je souhaite beaucoup de courage à tous les journalistes de l’ATPE. Malgré les conditions difficiles vous n’avez pas baissé les bras, vous avez continué à venir à la rédaction. Je vous remercie et je me rends disponible à vous accompagner.
Propos recueillis par Yanguel Florent Baïpou