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«Faute d’ingéniosité et du professionnalisme, nos médias sont propagandistes », Abdramane Barka Abdoulaye Doningar , président de la HAMA

Le président de la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (Hama), déplore le fait que la presse soit à la solde des individus au détriment du bien-être du public. Il demande aux médias d’être créatifs afin de ne pas se soumettre à la tentation des politiciens.

L’Info : Combien de titres existent-ils ?

Abdramane Barka : Avec la conjoncture, beaucoup de journaux sont devenus des médias en ligne. La tendance évolutive est orientée par les radios. Seulement à N’Djamléna, nous avons une vingtaine de radio. En ce qui concerne les journaux papiers, nous avons une cinquantaine. Je ne peux vous donner un chiffre précis. Les journaux en ligne sont en train de prendre la place des journaux papiers pour des raisons économiques.

Qu’est-ce qui peut expliquer le non respect de périodicité par certains journaux ?

Il faut savoir que tout organe de presse est d’abord une entreprise. Cela suppose qu’avant de se lancer dans ce genre d’aventure, on doit examiner et évaluer les éléments qu’on a, avant de commencer à produire que ce soit son journal, sa radio ou sa télévision. Malheureusement, ce n’est pas le cas chez nous d’où leur chute. Ils ne sont pas endurants, ils n’arrivent pas à supporter les charges. Voilà la grande difficulté des médias tchadiens. Lorsqu’on n’évalue pas le terrain, on se retrouve forcément face à des difficultés accablantes. C’est difficile pour un journal de pouvoir se faire imprimer parce que le coût d’impression est excessivement cher. Par exemple le tirage de mille exemplaires d’un journal, dépasse le tarif des journaux. Si l’entreprise ne peut pas entrer de l’argent au travers les recettes publicitaires et les annonces, elle ne pourra  pas tenir. Si l’entreprise n’a pas d’abonnés qui peuvent  prendre la moitié de son impression, elle ne pourra pas tenir. Si l’entreprise n’a pas prévu des actions déloyales comme l’escroquerie, le marchandage et le chantage comme le font certains journaux de la place, elle ne va pas survivre. Ceci, n’est plus du journalisme.

La  création des groupes médias ne  pose-t-elle pas problème ?       

Par rapport à la création des groupes médias, la loi autorise à tout tchadien qu’il soit une personne physique ou morale de créer trois médias. Cependant, le problème qui se pose aujourd’hui c’est celui de la transposition illégale. Par exemple un journal en ligne qui se retrouve en train de diffuser des streaming. Plusieurs travaillent sur la base de leurs intérêts avec les hommes politiques ou les personnalités du pays. Ils ne donnent la parole qu’à ceux qui les aident à  l’impression du journal voilà comment la plupart de nos journaux fonctionnent. Les réseaux sociaux en principe doivent servir de relais de diffusion pas pour faire la propagande. Par manque d’ingéniosité et du professionnalisme, nos médias font de la propagande. Un journal peut avoir une page facebook ou autre réseau social ou encore son propre site  pour diffuser ses informations. Mais, à condition que le contenu soit le même que celui publié dans le journal papier ou diffuser sur les ondes. Le chantage ne se justifie pas dans le journalisme. Les patrons de presse ne doivent en aucun cas faire le marchandage par crainte de fermer leurs  entreprises. Cela est une faute grave. C’est  d’ailleurs un délit  qui est réprimé par le code pénal et ensuite les règles d’éthique et déontologie du journalisme interdisent le marchandage.

 

Pourquoi  il n’y a pas  une réglementation du marché publicitaire au Tchad alors que cela faciliterait l’accès des journaux aux annonces ?

Concernant le marché de publicité, il n’y a pas encore une bonne organisation. Lors que la Haute autorité des médias et de l’Audiovisuel (Hama) s’appelait HCC (Ndlr Haut conseil de la communication), la procédure pour réglementer le marcher de la publicité était engagée mais ceci n’a pas pu aboutir pour des raisons que j’ignore. Mais cette question a refait surface au Dialogue national inclusif et souverain (Dnis). Le DNIS a recommandé de mettre en place des dispositifs pour mieux réglementer le marché de la publicité. Bien qu’il n’y ait  pas encore une loi allant dans ce sens mais au niveau de la Hama nous sommes déjà en train de réfléchir sur la question afin de faciliter l’accès des journaux aux annonces et à la publicité. Même si le marché de la publicité est réglementé, tous les titres existants ne doivent pas automatiquement en bénéficier, il faut de la qualité et du professionnalisme avant d’y accéder.

Comment  faire pour que la presse survive en restant dans le canevas ?

Pour faire face à cette précarité, les journaux doivent se former en groupe et mieux s’organiser pour se prendre en charge. Il faut que chaque journal ait son imprimerie pour pouvoir imprimer sur des formats accessibles que ce soit le format A4 ou autres. Et d’éviter de payer le coût fallacieux d’impression. Imaginer un journal  qui ne tire que 300 ou 500 exemplaires alors qu’il mentionne un tirage de 3000 exemplaires. Seul le quotidien a le prix grand nombre de tirage (Ndlr Le Progrès) pour d’autres, je ne dirai pas plus car je n’ai pas des informations précises.  Il faut aussi ajouter qu’au Tchad les gens lisent peu et que le pouvoir d’achat est très faible. Pour certains, c’est un luxe d’acheter un journal. Les journaux ne font pas assez d’efforts dans la quête des informations qui intéressent les lecteurs. Tout le monde fait de la politique. 90 % de contenu de nos journaux ne traitent que des questions politiques. Si ce n’est pas de la politique, c’est  de l’escroquerie. On tire à boulet rouge sur quelqu’un parce qu’une autre personne a payé pour un règlement de compte.  On n’appelle pas cela du journalisme.

Qu’est-ce que la Hama fait pour aider les médias à se développer et à être indépendants ?

Ce que nous sommes en train de faire, c’est de dissocier de bons médias des mauvais. Nous avons lancé une campagne de sensibilisation pour savoir qui fait quoi et catégoriser chacun dans son activité. Nous avons fait des évaluations du terrain pour comprendre le fonctionnement des médias avant de réagir. Cela ne concerne pas seulement les médias privés mais aussi ceux du public. Nous sommes en trains d’évaluer les statuts juridiques des médias privés en ligne, les journaux, radios et télévisions. Bientôt, nous allons lancer l’évaluation des médias publics en tenant compte de leurs cahiers de charges notamment la télé et radio Tchad et l’Agence tchadienne de presse et d’édition (ATPE). Nous allons examiner leurs statuts juridiques et la situation de leurs productions. Il faudrait que les médias soient évalués pour pouvoir les recadrer et soutenir. Déjà pour la presse privée, sur instruction du chef de l’Etat qui a demandé à ce que l’aide à la presse soit augmentée à 1 % pour le budget de l’Etat cependant, vu la situation du pays, nous avons ramené l’aide à la presse à 00,25 % soit 30O % et le ministère des Finances et des Comptes publics a accepté la dernière proposition. Toutefois, les médias éligibles à l’aide à la presse sont ceux qui respectent les conditions professionnelles. Nous avons aussi plaidé pour que l’ATPE accède à cette subvention.  Nous sommes aussi en train de plaider pour que l’ONAMA en général et la radio en particulier y accède. Notre souci primordial est de faire en sorte que le public ait des informations vraies et complètes.

Les  organes de presse doivent se regrouper. Puis que certains médias n’ont pas de journalistes. Il faut qu’ils s’entendent et se mettent ensemble pour mieux travailler. La cause de l’arnaque, c’est la multiplication des médias sans vision.  Il faut que les patrons de presse sachent dénicher les publicités et les partenariats pour le bon fonctionnement de leurs entreprises en mettant au centre de leurs préoccupations les journalistes. Pas de médias sans journalistes. Le journaliste professionnel n’existe que s’il est employé dans un média et vit de son métier. Nous allons séparer l’ivraie du bon grain pour que le journalisme vive.

Interview  réalisée par  Kary Amadou

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