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Presse tchadienne : la machine d’industrialisation grippée

Il y a plus de trente ans que la presse a été libéralisée. Les organes de presse naissent, le nombre de journalistes augmente, mais le coût d’impression et le manque d’annonces régulières empêchent le bon fonctionnement des journaux papiers.   

Malgré la floraison, la presse tchadienne végète. La création des journaux est de facto une caisse de résonnance pour les hommes politiques d’une part et d’autre part un moyen de positionnement des promoteurs de ces médias. La presse perd de plus en plus sa valeur cardinale qui de fournir la vraie information en toute honnêteté, objectivité et neutralité. Modus vivendi, le modèle économique des médias tchadiens que ce soit privés ou publics vacille.  Ils vivent dans une précarité aigüe à cause de l’environnement qui n’est pas propice leur l’éclosion économique. Sur une cinquantaine de journaux privés existants seulement deux notamment N’Djaména Hebdo et Tchad et Culture ont des conseils d’administration. Depuis l’avènement de la démocratie en 1990, période à laquelle la presse a été libéralisée, le Tchad n’a que deux quotidiens, le Progrès et le Sahel.  La plupart des journaux sont hebdomadaires dont peu paraissent de manière régulière à savoir N’DJAMENA HEBDO, Tchad et Culture (bimensuel), Abba-Garde, Le Pays, La Voix, Le Visionnaire,  l’Observateur et L’Info qui est le seul titre public.

Dans le  public comme dans le privé les conditions de travail sont presque identiques. A l’exception des journalistes fonctionnaires et contractuels qui travaillent dans la presse publique, dans le privé beaucoup sont  des reporters qui font un travail bénévole, les stagiaires font des années sans contrat. Certains journaux ne respectent pas la périodicité faute des moyens financiers. Toutefois, soulignons que le coût de l’impression et la rareté des annonces  sont les causes principales de cette précarité. Par exemple un tirage de 500 exemplaires d’un journal format tabloïd  coûte 700  à 800 milles francs CFA et certains titres font quelque fois des mois sans avoir ne serait-ce qu’une demi page d’annonce. La majorité d’organes de presse fonctionnent sans stratégies de communication ni fonds de fonctionnement moins encore une main d’œuvre qualifiée.

Nous avons rencontré des journalistes à l’occasion de la 30e célébration de la mondiale de la liberté de la presse. Tous parlent le même langage : ils déplorent leurs  conditions de travail et de vie qui sont dérisoires. « Les problèmes sont identiques dans nos rédactions. Quelqu’un vous recrute comme journaliste voire rédacteur en chef ou directeur de publication mais vous passez trois à six mois sans salaire. Sans oublier les eternels stagiaires qui se morfondent dans les rédactions pendant des années sans avoir la moindre pige. Le seul moyen de subsistance sont les perdiems », se désole M’bainaissem Gédéon, journaliste reporter à Alwhidainfo.

Développer  des  stratégies

Mamadou  Djimtebaye, promoteur du groupe médias Tchadinfos,  reconnait qu’un organe de presse est une entreprise mais il évoque la difficile équation d’annonces dans les colonnes des tabloïds qui est la source principale des revenus d’un organe de presse. « Je pense que nos médias doivent faire preuve d’ingéniosité et développer des stratégies pour attirer les annonceurs. Puis qu’au Tchad les gens lisent peu ou ne lisent pas du tout. Aussi, le problème des médias en ligne, c’est le coût exorbitant de l’internet. Il faut aussi multiplier les partenariats avec les entreprises et recruter les communicateurs et marketeurs  pour pouvoir aider les organes de presse à se vendre. Les journalistes se plaignent, c’est leurs droits mais nous aussi, nous sommes dépassés parce que  les médias n’apportent pas assez  d’argent pour les satisfaire », relève-t-il.  Madmadou Djimtebaye recommande une organisation faitière afin de défendre, suivre et négocier les annonces auprès des entreprises, gouvernement et organisations.

Pour le Président de l’Union des journalistes tchadiens Abbas Mahamoud Taher, le problème, c’est que la création des organes de presse au Tchad est faite avec amateurisme. «  La plupart de nos organes sont crées sans vision économique ni capital.  La presse aura toujours les mêmes difficultés si l’on n’intègre pas la notion d’entrepreneuriat dans le milieu de la presse », suggère-t-il.

Kary Amadou

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