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Droits d’auteur au Tchad : « Avoir la redevance et être redevable sont des exigences »

Dans l’optique d’informer sur la redevance et la redevabilité du droit d’auteur au Tchad, l’Info a interrogé le directeur général du Bureau tchadien du droit d’auteur (BUTDRA), Moundinet Tchinpah. Celui-ci souligne ce que beaucoup d’artistes et le public méconnaissent du BUTDRA et de ses missions

L’Info : En tant que directeur général du BUTDRA, dites-nous c’est quoi le BUTDRA et quelle est sa mission ?

Moundinet Tchinpah : Le Bureau tchadien du droit d’auteur (BUTDRA) est un organisme de gestion collective des droits d’auteur, créé par la loi numéro 005/PR/2003 du 2 mai 2003. Sa mission est décrite à l’article 119 de la loi ci-dessus citée et consiste essentiellement à organiser et à représenter les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques et leurs ayants droit. Il autorise l’utilisation des œuvres littéraires et artistiques sur l’ensemble du territoire national et recueille en contrepartie les redevances du droit d’auteur afin de les répartir aux titulaires de droits (auteurs et ayants droit).

Quelle est la procédure pour la protection d’une œuvre artistique ?

L’œuvre est automatiquement protégée par la loi quand elle est originale.  Cependant, pour  faire la déclaration d’une œuvre au Butdra, l’auteur doit la mettre sur un support (CD, USB, etc.,) ou l’éditer avant d’adresser une demande au directeur du BUTDRA. La demande est ensuite reçue par le service de la Documentation générale et de la répartition (DGR), puis orientée vers la Commission technique d’identification des œuvres (CTIO) qui doit siéger pour examiner et certifier l’authenticité de l’œuvre. Le résultat du travail  de la Commission technique est consigné sur un procès-verbal adressé au directeur du BUTDRA qui est chargé de délivrer la carte de membre à l’auteur si l’œuvre a été déclarée originale par la Commission technique ou rejeter la demande d’adhésion si l’œuvre n’est pas authentique. Une œuvre manuscrite peut-être aussi déclarée au BUTDRA mais ne peut pas générer de revenus au profit de son auteur.

Quelles sont les œuvres qui méritent d’être protégées et quelle est la durée de vie d’une œuvre artistique ?

Toutes les œuvres originales sont protégées. Pour sa durée, l’œuvre vit pendant toute la vie de son auteur et 70 ans après sa mort. Quand l’œuvre est créée par un groupe de personnes, l’œuvre vit jusqu’au décès du dernier membre du groupe et 50 ans après la mort de celui-ci.

Avez-vous des statistiques des artistes enregistrés parmi lesquels il y a des disparus ?

Jusqu’en mars 2022, le BUTDRA a enregistré 6.747 œuvres toutes catégories confondues issues de 846 auteurs, vivants et décédés.

Est-ce que les familles des artistes décédés bénéficient des retombées des œuvres des leurs au niveau du BUTDRA ? Si oui lesquels ?

Les familles des auteurs décédés bénéficient des redevances au Butdra à condition pour chaque famille de désigner un successeur sur un procès-verbal du conseil de famille, matérialisé par un acte notarié. Le BUTDRA procède ensuite à la délivrance de la carte de membre à ce successeur qui est chargé de la présenter à chaque perception des droits.

Pouvez-vous nous citer quelques exemples des institutions ou personnes qui doivent payer le droit d’auteur ?

Sont redevables au droit d’auteur les personnes (physique ou morale) qui communiquent au public les œuvres littéraires et artistiques. Tous les lieux à caractère commercial qui disposent d’appareils de sonorisation ou audiovisuels, toutes les radios et télévisions, tous les organisateurs des cérémonies festives, politiques, sociales, toutes les agences de publicités,… doivent se munir d’une autorisation préalable du Bureau tchadien du droit d’auteur avant de communiquer au public les œuvres littéraires et artistiques.

Pourquoi la plupart des entreprises et médias, publics comme privés, ne versent pas les redevances dues aux artistes ?

Effectivement, malgré les convocations et mises en demeure que nous adressons à certains médias et entreprises redevables au droit d’auteur, nous restons parfois sans suite. Nous pratiquons d’abord la saisie de leurs appareils pour espérer entrer en possession des redevances. Pire encore, certaines entreprises arrivent même à se munir des ordonnances auprès des tribunaux pour s’exonérer du paiement des redevances.

Comment sont reparties ces redevances entre les artistes et le BUTDRA ?

Nous avons deux modes de répartition : une répartition proportionnelle pour les redevances perçues auprès des usagers qui disposent du relevé des œuvres qu’ils ont utilisées et une répartition basée sur le sondage et la présomption pour les redevances perçues sans relevé. Quand les redevances sont perçues avec relevé, sauf ceux des auteurs dont les noms figurent sur ce relevé, bénéficient des droits parce que leurs œuvres ont été effectivement utilisées.  Quand les redevances sont perçues sans relevé, la répartition devient difficile parce qu’on doit chercher à faire des sondages auprès de cette catégorie d’usagers pour présumer que telles ou telles œuvres ont été utilisées. C’est à ce niveau que se situe le problème de la répartition des redevances à nos sociétaires, puisque les restaurants, les hôtels, les ciné-clubs, les bars, les agences de publicité nous versent les redevances sans fournir les relevés des œuvres utilisées.

Avez-vous des mécanismes pour évaluer et suivre les œuvres des artistes utilisées par des institutions ?

Le mécanisme que nous avons pour évaluer et suivre les œuvres utilisées, c’est la prospection des usagers et la collecte des relevés auprès des usagers qui en disposent. Nous ne sommes pas dotés d’outils qui nous permettent de détecter depuis nos bureaux les cas de contrefaçon et de piratage. Il faut d’abord que nous sortions en prospection. Or nos sorties ont de coûts. Et quand nous n’avons pas de moyens financiers pour assurer les sorties, cela joue sur nos résultats.

Interview réalisée par Ouangso Alain (stagiaire)

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